Le handicap pour les nuls : petit guide à l’usage des valides

Aaron Fotheringham, « rider » en fauteuil roulant

Mais où sont les handicapés ?

 

Dans un article précédent, j’évoquais différentes situations dans lesquelles je me suis déjà retrouvée depuis que je suis en situation de handicap. Les « techniques d’approche » des personnes valides m’ont souvent étonnée, parfois blessée, même si j’essaye toujours de le prendre avec le sourire.

S’ils réagissent de manière étrange lorsqu’ils croisent une personne handicapée, c’est bien souvent par manque d’habitude. Il faut avouer qu’en Belgique, on croise rarement des personnes en fauteuil roulant se promenant seules dans les rues. Pourtant, il y a autant de personnes handicapées en Belgique qu’ailleurs, ce n’est pas parce qu’on ne les voit pas qu’elles n’existent pas ! Vous vous demandez peut-être : « Mais pourquoi ne sortent-elles pas de chez elles » ? Voici les deux raisons principales :

– À cause du manque d’accessibilité. Bruxelles est peut-être la capitale de l’Europe, mais c’est aussi la capitale de l’inaccessibilité aux PMR. Après avoir visité une dizaine de pays différents, je peux affirmer que la Belgique a 10 à 15 ans de retard sur ses voisins, que ce soit au niveau des transports en commun, de l’aménagement des trottoirs, de l’accès aux bâtiments publics, aux écoles, aux magasins,… Je reviendrai certainement là-dessus dans un prochain article.

– Parce qu’ils vivent confinés dans un milieu où vivent exclusivement des personnes handicapées : écoles spécialisées, institutions spécialisées, centres de jour, centres de nuit, entreprises adaptées, transports spécialisés, vacances pour handicapés… La majorité des personnes nées avec un handicap vivent aujourd’hui dans ce genre de structures et n’ont aucun contact avec le reste de la société. Ce qui a évidemment des conséquences négatives, tant pour les personnes valides (qui sont déstabilisées quand elles voient une personne handicapée) que pour les personnes handicapées elles-mêmes (qui ont du mal à nouer des relations avec des personnes valides, et ont infiniment peu de chances de s’intégrer dans la société « normale »).

En conclusion, je n’en veux pas aux personnes valides « maladroites » que je rencontre. J’en veux au système, à toutes ces personnes qui devraient prendre des décisions mais ne les prennent pas, et à tous ceux qui pensent que les personnes handicapées n’ont pas leur place dans la société.

Quelques conseils pour éviter de se faire écraser les pieds… 

 

Après cette longue introduction, j’en viens à la question principale de cet article : Comment se comporter avec une personne en fauteuil roulant ?

La réponse est simple : comme avec n’importe quelle autre personne !

Vous adressez-vous différemment à une personne qui a les cheveux bleus ? Non ? Alors pourquoi le faire avec une personne qui se déplace « à roulettes » ? 😉

Quelques petits conseils peuvent toutefois vous être utiles si vous ne voulez pas risquer de faire une bêtise…

1) Evitez l’expression « cloué dans un fauteuil roulant ». Jésus était peut-être cloué sur une croix, mais moi je ne suis pas « clouée » à mon fauteuil, dieu merci. Et s’il vous prend l’envie d’employer cette expression avec moi, attendez-vous à vous faire clouer (le bec).
Ensuite, mon « engin » s’appelle un fauteuil roulant (ou chaise roulante si vous êtes belge)… pas une charrette, un charriot, une carriole ou je ne sais pas quoi d’autre…

2) En revanche, n’ayez pas peur d’utiliser les expressions du genre « ça marche », ou « aller quelque part à pieds ». Le « ça roule » sera peut-être mal pris si vous n’êtes pas ami avec la personne en fauteuil…

3) Pour discuter avec une personne en fauteuil, mettez-vous à sa hauteur. Si vous asseoir n’est pas possible, essayez de garder une distance d’au moins 1 mètre (sinon bonjour le torticolis). Placez-vous en face d’elle et non à côté (tourner la tête peut être difficile pour certaines personnes).

4) Parlez-lui normalement. Si elle est accompagnée, adressez-vous directement à elle et pas à son accompagnant. Et même si la personne ne peut pas vous répondre, inutile de lui parler comme si elle ne vous comprenait pas (certains handicaps, comme l’infirmité motrice cérébrale, peuvent entraîner des difficultés d’élocution, mais n’altèrent en rien les capacités de compréhension).

5) Ne touchez JAMAIS le fauteuil roulant d’une personne sans lui demander son autorisation au préalable. C’est non seulement désagréable, mais cela peut être dangereux (pour la personne handicapée comme pour vous). S’appuyer sur les poignées, le dossier ou les accoudoirs d’un fauteuil revient à s’appuyer sur les épaules de quelqu’un. Mon fauteuil n’est peut-être pas une partie de mon corps, mais lorsque quelqu’un s’appuie sur ses poignées, c’est toute l’assise qui se met à trembler (et moi avec, merci les suspensions) !

Un jour, alors que je descendais d’un train par une rampe dépliable (dont la pente était assez vertigineuse), l’employé de la SNCB a posé sa main sur mon boîtier de commande : sans doute essayait-il de ralentir ma descente (ce qui est impossible vu le poids du fauteuil), mais toujours est-il qu’il a seulement réussi à appuyer sur le bouton On/Off. Le fauteuil s’est donc immédiatement éteint, en plein milieu de la pente, et je suis tombée vers l’avant… Heureusement, je n’ai pas été blessée. Mais depuis, dès que quelqu’un approche la main de mon joystick, je me fâche ! Malgré tout, il arrive encore souvent que quelqu’un allume mes phares, ou s’écrase lui-même le pied en accrochant le joystick (ça, c’est déjà plus drôle). Gardez à l’esprit que ce genre d’appareil est extrêmement sensible.

6) En lien avec le conseil précédent, ne poussez jamais une personne en fauteuil roulant manuel sans lui demander son avis. Si vous trouvez que la personne gêne le passage, demandez-lui de bouger plutôt que de saisir son fauteuil et le déplacer comme s’il s’agissait d’une valise. Imaginez que quelqu’un vous soulève sans vous prévenir et vous dépose quelques mètres plus loin : plutôt désagréable, non ?

Si vous souhaitez rendre service à une personne en fauteuil (par exemple, pour monter une côte ou franchir une marche), demandez-lui toujours d’abord si elle a besoin d’aide. Si elle vous répond non, ne vous vexez pas : elle a probablement l’habitude de se débrouiller seule dans cette situation. Si elle vous demande de l’aide, écoutez ses explications : elle sait mieux que vous la manière dont vous pouvez lui rendre service.

7) Ne sous-estimez pas les capacités d’une personne en fauteuil. Si elle vous dit qu’elle peut faire quelque chose, ne le faites pas à sa place. Gravir un trottoir de 10 cm vous semble peut-être impossible, mais une personne musclée qui a l’habitude du « deux-roues » pourra le faire sans aide.

À l’inverse, ne la sur-estimez pas : personnellement, je peux bouger mes bras normalement, mais je n’ai pas assez de force pour soulever une grande bouteille d’eau. Quand je demande de l’aide, ce n’est donc pas par manque de volonté, mais parce que je suis réellement incapable de faire quelque chose seule. Et cela ne sert à rien de m’encourager à « faire un effort »…

8) Essayez de ne pas mettre des bâtons dans les roues des PMR : par exemple, en occupant une place de parking réservée alors que vous n’y avez pas droit, ou en laissant votre voiture sur le trottoir. Tous les jours, je dois risquer ma vie en parcourant plusieurs dizaines de mètres sur la route, au milieu des voitures, parce que des imbéciles ont décidé que le trottoir a côté de chez moi était un parfait emplacement de parking. Un soir, j’ai même dû appeler la police pour faire déplacer une voiture qui m’empêchait de rentrer chez moi ! Pensez-y, la prochaine fois que vous seriez tenté de faire la même chose.

Cette liste n’est pas exhaustive, alors si vous avez d’autres idées de conseils, je serais ravie de les ajouter ! 😉

Blandine

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