Petit hommage à Charlie…
Depuis que je suis en fauteuil roulant, j’ai remarqué que la plupart des gens ne se comportent plus avec moi de la même manière que lorsque j’étais « valide ». Leur regard, leur attitude, leur façon de m’adresser la parole… inconsciemment sans doute, peut-être par peur de mal faire, je ne sais pas…
Voici pour vous un Top 10 des attitudes auxquelles j’ai déjà été confrontée (certaines plus fréquemment que d’autres, l’ordre est totalement aléatoire) :
1 – Le pessimiste : « Ma pauvre petite, ça doit tellement être difficile d’être dans votre situation… courage hein ! »
On ne va pas se mentir : oui, être handicapé, c’est compliqué. Mais plein de gens ont une vie compliquée. Tout le monde a des problèmes, qu’il s’agisse de problèmes médicaux, financiers, relationnels, professionnels,… Et je n’ai pas nécessairement envie qu’on me le rappelle tous les jours.
Un jour, dans un ascenseur à la gare, un inconnu m’a dit « Ça me rend vraiment triste de vous voir comme ça, vous êtes si jeune… ». Ma réponse ? « Euh, désolée, il ne faut pas être triste vous savez… ». Il attendait que je le console ou quoi ? Je suis bien désolée si ma simple présence fait de la peine aux gens, mais sachez que ce n’est pas intentionnel.
2 – Le trouillard : « Au secours, une handicapée ! »
Il arrive que certaines personnes changent de trottoir en me voyant approcher (heureusement, c’est assez rare). Ils croient peut-être que je vais les manger tout crus ? Ou leur écraser les pieds (c’est déjà plus probable) ?
L’année dernière, alors que j’attendais tranquillement mon transport sur le trottoir, un groupe d’adolescentes est passé près de moi et l’une d’elle m’a regardée comme si elle venait de voir un extra-terrestre rose à pois verts : « Oh mon dieu, une handicapée ! Qu’est-ce qu’elle fait là, toute seule ? Elle s’est échappée ou quoi ? ». Sans doute était-ce la première fois qu’elle croisait une personne en fauteuil roulant électrique (j’avoue qu’à Bruxelles, il n’y en a pas beaucoup).
Mais rassurez-vous, je ne mords pas !
3 – Le flatteur maladroit : « Vous êtes trop jolie pour être handicapée »
Si c’est un compliment, il est raté. Désolée de de ne pas correspondre au stéréotype du handicapé mal coiffé, mal rasé, en training tous les jours,… (ce qui n’est d’ailleurs qu’un stéréotype). Ce n’est pas parce qu’on est en fauteuil roulant qu’on néglige forcément son apparence.
4 – Le faux aveugle : « Et la jeune fille, elle mange quoi ? »
Parfois, j’ai l’impression d’avoir mis une cape d’invisibilité. Et ça arrive plus souvent qu’on ne le pense.
Certains personnes, probablement embarrassées par ma présence, font semblant de ne pas me voir, par exemple quand j’attends qu’on m’ouvre une porte lourde. Le pire, c’est quand je suis accompagnée et qu’un serveur / caissier / réceptionniste pose une question me concernant à la personne qui est avec moi. Je me souviens encore de ce jour où, après avoir acheté du chocolat au marché de Noël (et payé moi-même), le vendeur a rendu la monnaie à mon père…
5 – Le soupçonneux : « Vous ne pouvez pas être handicapée, vous êtes bien trop jeune »
Et pourtant si. Cette situation m’arrivait souvent quand je sortais de ma voiture avec mes béquilles, alors que ma carte de stationnement était bien visible. Apparemment, pour certaines personnes, handicapé = âgé. Alors forcément, à 20 ans, je ne pouvais être qu’une fraudeuse. J’ai fait 3 ans de théâtre, mais tout de même…
6 – Le suicidaire : « Si un jour je me retrouve en fauteuil roulant, je me suicide direct »
Le genre de choses qui fait toujours plaisir à entendre.
7 – Le comique pas drôle : « Attention, tu vas avoir un excès de vitesse ! » ou « Il faut un permis pour conduire ça ? »
Comme j’ai un bon sens de l’humour, généralement je ne prête pas attention à ce genre de « blagues ». Mais au bout de la 50ème fois, ça commence à devenir lourd…
Non, il ne faut pas de permis. Oui, il m’arrive d’aller vite. Si je fonce, c’est que j’ai de bonnes raisons (un train à prendre, un rendez-vous important, ou tout simplement la pluie), pas pour me prendre pour Michael Schumacher (mais la comparaison est peut-être mal choisie).
8 – Le paniqué : « Et c’est grave ton truc ? Tu vas mourir ? »
Déjà, il faut savoir ce que les gens entendent par « grave »… Ensuite, la deuxième question est un peu… comment dire… indélicate ?
Et si je leur dit que je ne vais pas mourir dans l’immédiat (en fait je n’en sais rien, n’importe qui peut se faire écraser par un bus), ils répondent : « Ah, ça va, c’est pas grave alors ». Mmmh oui.
9 – Le cinéphile : « Vous avez aimé Intouchables ? »
Oui, j’ai bien rigolé, mais c’est loin d’être mon film préféré. Pour moi, c’est une comédie, pas un film sur le handicap. Montrer les « difficultés » d’un tétraplégique millionnaire, ce n’est pas « montrer le quotidien des personnes handicapées ».
La question ne me gêne pas en elle-même, mais on me l’a déjà posée un nombre incalculable de fois…
Imaginez : est-ce que vous demandez à tous les Marocains que vous croisez s’ils aiment le couscous ? Ou aux Italiens s’ils aiment la pizza ?
10 – L’infantilisant : « Tu as pris le train de Liège à Bruxelles (= 100km) ? Toute seule ? Waouuuh bravo ! »
Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui me parlent comme si j’avais 4 ans. Ou qui se permettent de me tutoyer, alors qu’ils vouvoient d’autres personnes du même âge. Ils n’ont probablement que des bonnes intentions et cherchent à me « protéger », mais oublient que je suis « majeure et vaccinée ».
Ce n’est pas parce qu’une personne a un handicap physique qu’elle est incapable de prendre des décisions d’adulte.
De plus, prendre un train n’a rien d’extraordinaire (même si c’est un peu plus compliqué quand on est en fauteuil) et ne mérite aucune admiration. Un athlète paralympique qui réalise un record mérite des félicitations, mais aller chercher son pain à la boulangerie n’est pas un exploit…
Si vous êtes vous-même en situation de handicap (moteur ou autre) : quelles questions entendez-vous le plus souvent ? Quelles sont les réflexions qui vous énervent le plus ? Avez-vous d’autres exemples de « comportements étranges » ?
Blandine
Le paresseux en organisation. « Je passerai vous livrer le matos un de ces jours ».
Beaucoup croient qu’une personne en chaise reste chez elle toute la journée à glander devant la télévision. Pas besoin de prendre rendez-vous.
C’est faux ! C’est pas parce qu’on est en chaise qu’on n’a pas de vie. Oui on sort pour faire du sport, aller au cinéma ou dans les magasins, voyager et faire plein d’autres activités. Certains handicapés ont même une activité professionnelle. Comme tout le monde, je peux être bloqué dans un embouteillage. Eh oui, je conduis ma voiture (qui a été adaptée à mon handicap)
Mais à l’inverse des valides, je dois avoir chaque jour des soins médicaux (kiné, infirmières …).
Pas question de débarquer chez moi n’importe quand.
Le curieux malsain. « Tu sais toujours avoir des relations sexuelles malgré ton handicap ? ».
No comment.
Le bon prince. « T’as qu’à me demander ».
Je peux entrer et sortir de chez moi seul sauf … si quelqu’un a garé sa voiture en plein milieu du jeu de quille pour éviter de faire 10 mètres à pied.
« Quand tu veux sortir, t’as qu’à me demander et je déplacerai ma voiture le temps que tu passes »
Il y a plein de situations où un handicapé doit demander de l’aide (prendre un objet trop haut dans une armoire, ouvrir une porte trop lourde, transporter des objets trop gros …). C’est désagréable de devoir demander à longueur de journée, comme si on était un enfant de 3 ans. Alors, pas la peine d’en rajouter.
Merci pour ce commentaire Olivier !
J’avoue avoir déjà rencontré ces 3 situations…
Pour la 1ère, j’ai l’habitude d’entendre ce genre de clichés, mais dès que je commence à discuter avec les gens, ils se rendent vite compte que j’ai une vie plutôt bien remplie !
Pour la 2ème, c’est arrivé seulement deux ou trois fois, et j’essaye de ne pas y faire attention (ça dépend aussi du contexte, et de la manière dont le sujet est abordé).
La 3ème est celle qui m’agace le plus ! Je DETESTE demander de l’aide, j’ai l’habitude de me débrouiller toute seule au maximum depuis mon adolescence, et j’ai horreur de dépendre des gens pour certaines choses. Mais la plupart des valides trouvent ça « naturel » qu’une personne handicapée aie besoin d’aide, et n’ont pas l’air de comprendre à quel point ça m’embête de devoir leur demander de l’aide dans des situations où, si des « obstacles » supplémentaires n’avaient pas été rajoutés, ou si les choses étaient à ma portée, je pourrais me débrouiller toute seule ! L’exemple typique est celui du petit-déjeuner buffet dans les hôtels : si tout est à la bonne hauteur et qu’un plateau est fourni, je peux me servir moi-même, comme tout le monde. S’il n’y a pas de plateau (je ne peux pas prendre 2 assiettes, une tasse et un verre sur mes genoux !), que certains aliments sont trop hauts ou trop loin, je suis obligée de demander à quelqu’un de m’accompagner : du coup, ça me prend deux fois plus de temps, ça monopolise un employé pendant 10 minutes, et les difficultés de compréhension font que je n’ai souvent pas la quantité que j’aurais souhaité…