Journée Internationale des Personnes Handicapées – ou l’importance d’un enseignement inclusif

Le 3 décembre, c’était la Journée Internationale des Personnes Handicapées.

Plusieurs sites d’information en ont profité pour faire le point sur la situation des personnes handicapées en Belgique (et en Europe), notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi.

En effet, Eurostat (organe de l’UE chargée de l’information statistique) vient de publier une étude à ce sujet, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats sont interpellants. Dans tous les pays de l’Union, il existe un écart plus ou moins important entre le taux d’emploi des personnes handicapées et celui des personnes dites valides (je vous laisse deviner dans quel sens va cet écart !).

Quelques chiffres :

Le taux d’emploi moyen des personnes handicapées est de 47,3% en UE (contre 66,9% pour les personnes valides, soit un écart de 19,6%). En Belgique, il est de 40,7% seulement (écart de 25,7%). Le bas du classement est occupé par la Hongrie et nos voisins les Pays-Bas (qui affichent tous deux un écart de 37,4%), alors que la France (9,9%) , la Suède (9,5%) et le Luxembourg (2,4%) occupent les trois premières places.

L’étude se penche également sur le risque de pauvreté et d’exclusion sociale lié au handicap. La Belgique termine ici avant-dernière du classement (devant la Bulgarie) : 34,3% des PH risquent d’y être en situation de pauvreté, contre 16,6% des personnes valides (écart de 17,7%, la moyenne européenne étant de 8,5%). La France se situe quant à elle à la 6è place, derrière la Grèce, l’Espagne, le Luxembourg, l’Italie et la Slovaquie.

Cliquez ici pour voir les résultats complets de l’étude (en anglais).

Quelles solutions ?

Pour encourager l’embauche de personnes handicapées, certains pays ont mis en place des quotas. En France, toute entreprise (privée ou publique) de plus de 20 salariés doit obligatoirement compter au moins 6% de travailleurs handicapés. Pourtant, en 2010, seules 57% des entreprises respectaient ce quota (source). La cause serait un trop faible niveau de qualification des PH. Mais d’après les personnes concernées, certains employeurs préfèrent tout simplement payer une amende plutôt que d’embaucher des « handicapés »…

En Belgique, un quota de 3% existe, mais uniquement dans l’administration fédérale. D’après le Selor, en 2013, les personnes handicapées représentaient 1,57% des employés au sein des services public fédéraux (source). Les entreprises privées, la fonction publique régionale et communautaire n’ont en revanche aucun quota à respecter…

 Sensib-So-Lille

Sensibilisation au handicap à l’université

Une autre solution serait de rendre enfin l’enseignement accessible à tous. Et à ce niveau là, la Belgique a du boulot… Nous sommes en 2014, dans un pays « civilisé » d’Europe de l’Ouest, un des pays les plus « progressistes » sur certains aspects, et il est pourtant très difficile voire impossible pour un enfant handicapé de suivre une scolarité normale, d’obtenir un CESS de l’enseignement général (équivalent du BAC français) et de décrocher un diplôme universitaire.

À chaque rentrée scolaire, on entend parler de « mixité sociale » dans nos écoles, ou du fait que l’enseignement doit être accessible d’un point de vue financier. La mixité « handicapés/valides » et l’accessibilité physique des bâtiments scolaires intéressent apparemment peu nos dirigeants… Essayez d’ailleurs de vous souvenir du nombre d’élèves handicapés qu’il y avait dans votre école, ou dans l’école de vos enfants : un, deux, aucun ? Rien d’étonnant, quand on sait que la Belgique est championne d’Europe de l’enseignement spécialisé. Depuis le décret « Inclusion » de 2009, de plus en plus d’élèves passent chaque année de l’enseignement spécialisé à l’enseignement ordinaire, ce qui est plutôt encourageant. Mais d’un autre côté, le nombre d’élèves inscrits dans une école spécialisée augmente chaque année…

L’enseignement spécialisé est divisé en 8 types (selon le type de handicap : retard mental léger ou sévère, troubles du comportement, déficience physique, maladie grave ou hospitalisation, déficience visuelle, déficience auditive, troubles de l’apprentissage) et 4 formes (selon l’objectif final : insertion en « milieu de vie protégé », insertion en « milieu de travail protégé »,… Oui, ce sont les termes officiels ! Une personne handicapée est vue avant tout comme une « personne fragile qu’il faut protéger« …). Mais actuellement, aucune école (en tout cas du côté francophone) ne permet d’obtenir un CESS de l’enseignement général. Un enfant qui se déplace en fauteuil roulant et qui n’a aucun handicap mental ne pourra donc obtenir qu’un diplôme de l’enseignement technique ou professionnel (via le « type 4 forme 4 »). Même si celui-ci l’autorise à s’inscrire dans l’enseignement supérieur, ses chances de réussite seront quasi nulles… La seule solution pour lui serait alors de trouver une école ordinaire accessible, qui accepte de l’accueillir. Et s’il a besoin d’aide pour les actes de la vie quotidienne (enlever son manteau, manger, aller aux toilettes,…), il faudra compter sur la solidarité des autres élèves et du personnel, ou engager un assistant (rémunéré par les parents)… Bref, le parcours du combattant !

De mon côté, j’ai eu la « chance » de devenir handicapée au cours de mes études supérieures. La question de l’enseignement spécialisé ne s’est donc pas posée. En revanche, mon établissement (une Haute Ecole bruxelloise) n’était pas du tout adapté aux personnes à mobilité réduite : les classes étaient réparties entre plusieurs bâtiments anciens, avec une ou plusieurs marches à l’entrée, la cafétéria et la bibliothèque étaient complètement inaccessibles, les ascenseurs restaient parfois en panne pendant plusieurs mois, et je devais souvent « emprunter » la table du professeur pour écrire, les autres bancs sortant tout droit de « La Petite maison dans la prairie » (voir photo). Heureusement, avec l’aide de certains professeurs et étudiants, j’ai pu obtenir mon bachelier (= licence en France) en juin dernier ! J’étudie désormais en France, où l’accueil des étudiants handicapés est quelque chose de naturel et bien organisé (service dédié aux étudiants en situation de handicap, personnel formé, aménagements possibles pour les cours et les examens, bâtiments accessibles,…). Il y a évidemment des procédures à respecter, des documents à remplir, mais au moins, chaque étudiant a les mêmes chances de réussite. En Belgique, comme rien n’était prévu, je devais mettre en place moi-même l’aide dont j’avais besoin (lors des examens par exemple), ce qui entraînait un stress supplémentaire non négligeable…

L’accès à l’enseignement devrait être une priorité en Belgique. Un enfant handicapé qui va dans une école ordinaire et obtient un diplôme de l’enseignement supérieur aura nettement plus de chances de trouver du travail et ainsi participer pleinement à la vie en société. Exclure les personnes handicapées de la société, en les enfermant dans un circuit « école spécialisée – institution spécialisée – travail adapté ou allocations », c’est se priver de milliers de potentiels travailleurs actifs, qui pourraient faire tourner l’économie de notre pays, et contribuer à sa diversité si souvent mise en avant !

N’hésitez pas à réagir, à me faire part de votre expérience, ou à partager cet article 😉

Blandine

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